Une avancée dans la maladie de Parkinson : la dopamine directement dans le cerveau

Une avancée dans la maladie de Parkinson : la dopamine directement dans le cerveau

RECHERCHE
– Le 08/10/2025

Une étude publiée dans la revue internationale Nature Medicine en janvier 2025 démontre la faisabilité et la tolérance de l’administration de dopamine directement dans le cerveau. Cette administration directe de dopamine a pour but d’améliorer certains symptômes moteurs de la maladie de Parkinson (MP)[1].

Un peu d’historique et de contexte avant de revenir sur cette avancée majeure.

1/ 1919 -1970 : Substance Noire et Dopamine

L’hypothèse que la substance noire* est le site pathologique majeur dans la maladie de Parkinson est formulée dès 1895 et démontrée deux décennies plus tard. En 1919, Konstantin Tretiakoff utilise des tissues post-mortem de personnes atteintes de Parkinson, et met en évidence la perte de cellules dans cette zone profonde du cerveau. Ces travaux se confirment et se renforcent en différentes étapes pendant les décennies suivantes. Notamment par des études plus détaillées dans les années 1930.

(Source de l’image : https://app.memorang.com/flashcards/67776/Movement+demyelinating+and+neuromuscular+disease )

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Au cours des années 1954-1965, Arvid Carlsson découvre la dopamine. C’est un messager chimique impliqué dans le contrôle des mouvements automatiques. Carlsson met en évidence une diminution des niveaux de la dopamine dans une autre zone du cerveau, le striatum*, dans le cas de la maladie de Parkinson.

Enfin dans les années 1960-1970, on identifie une connexion directe entre la substance noire et le striatum : la voie nigrostriée*. Les neurones de la substance noire produisent de la dopamine, qu’ils acheminent le long de leur axone jusqu’au striatum, où elle se libère. Dans la maladie de Parkinson, cette connexion s’altère progressivement en raison de la dégénérescence de ces neurones. Cela entraine donc une baisse de dopamine dans le striatum.

À l’époque, aucun moyen efficace n’a été identifié pour administrer directement cette dopamine manquante aux personnes atteintes de Parkinson.

2/ 1911-1970 : Découverte et utilisation de la Lévodopa

Découverte et synthétisée dans les années 1911-1913, la lévodopa a une structure chimique très proche de la dopamine, dont elle est le précurseur naturel. Pendant longtemps, on l’a cru privée de toute activité biologique.  Mais, dans les années 1950, Arvid Carlsson (encore lui !) montre pour la première fois que l’administration de lévodopa permet de réduire l’intensité des symptômes chez des animaux rendus parkinsoniens. Cette découverte conduira à l’utilisation de la lévodopa chez l’Homme. Et cela lui vaudra même de remporter, un demi-siècle plus tard, le prix Nobel de physiologie ou médecine en 2000.

En 1961, les travaux d’Oleh Hornykiewicz et Walther Birkmayer démontrent une amélioration spectaculaire de l’akinésie* suite à l’administration intraveineuse de lévodopa à des personnes atteintes de Parkinson. En parallèle, André Barbeau (1962) démontre une amélioration de la rigidité après une prise orale de lévodopa. Mais le tournant arrive en 1967, lorsque George Cotzias utilise, par voie orale, des hautes doses de lévodopa établissant de façon objective l’efficacité de cette molécule pour améliorer les symptômes de la MP.

Ces travaux seront suivis par l’identification des récepteurs de la dopamine, sites sur lesquels agit la dopamine. Ainsi que sur le développement des agonistes dopaminergiques*, molécules qui miment l’action de la dopamine.

Les traitements oraux à base de lévodopa ou d’agonistes dopaminergiques, permettent de palier la diminution de dopamine. Bien qu’efficaces au départ, ils présentent des effets indésirables à long terme liés à la progression de la maladie. Tels que, par exemple, des fluctuations motrices* et des dyskinésies*.

3/ Pourquoi n’y a-t-il pas de traitement oral à base de dopamine ?

Mais s’il manque de la dopamine pourquoi prescrit-on de la lévodopa ou des agonistes ? Ne serait-il pas plus simple de donner de la dopamine ? La réponse est claire : si on prenait de la dopamine par voie orale elle n’arriverait jamais au cerveau.

Et voilà pourquoi : Le cerveau est protégé par des agents qui circulent dans le sang grâce à une enveloppe qui l‘entoure. C’est la Barrière Hémato-encéphalique, qu’on appelle aussi BHE. En effet, de nombreuses substances utiles circulent dans le sang et permettent de « nourrir » le cerveau. Mais on y trouve aussi des éléments indésirables que l’on ne souhaite pas retrouver dans le cerveau. Comme par exemple des toxines, des agents pathogènes, certains médicaments, ou encore des hormones. Ces substances sont inoffensives pour le reste du corps, car elles sont rapidement traitées par les organes. Et ces substances ne doivent en aucun cas atteindre le cerveau, au risque de l’endommager.

La BHE se constitue de plusieurs types de cellules qui régulent sa perméabilité. Pour franchir cette barrière, une molécule doit présenter des caractéristiques bien définies. Ainsi, lorsqu’un médicament s’administre par voie orale, son principe actif doit être capable de traverser la BHE pour agir sur le cerveau. Or, la dopamine ne possède pas ces propriétés. C’est-à-dire que la prise de dopamine par voie orale ne parviendrait jamais jusqu’au cerveau.

Par contre, la lévodopa, légèrement différente de la dopamine, possède les bonnes caractéristiques et arrive donc au cerveau lorsqu’elle est prise par voie orale.

Depuis plusieurs décennies, les chercheurs tentent de trouver une solution pour compenser directement la perte de dopamine dans le cerveau des personnes atteintes de Parkinson. L’objectif est d’offrir une solution pour les stades avancés de la maladie et aussi pour limiter les complications à long terme liées aux traitements oraux.

Aujourd’hui, une équipe française est parvenue à relever ce défi !

4/ Un défi scientifique relevé après 60 ans d’échecs

Jusqu’à présent, l’idée d’injecter directement de la dopamine dans le cerveau était considérée comme impossible. La molécule est en effet très instable et s’oxyde rapidement. Plusieurs tentatives dans les années 1980 se sont soldées par des échecs.

L’équipe des professeurs Caroline Moreau et David Devos, au CHU et à l’Université de Lille, a réussi à surmonter ces obstacles. Ils ont mis au point une méthode qui permet une synthèse et formulation innovante de la dopamine. Cette synthèse est en anaérobie, c’est-à-dire sans oxygène, pour éviter son oxydation. Elle s’utilise avec une pompe, pour que la dopamine soit perfusée en continue directement dans une zone du cerveau appelée ventricules cérébraux*. Cette zone est au plus près du striatum où la dopamine se libère naturellement. Ce système repose donc sur une pompe implantée sous la peau et en étant reliée à un cathéter cérébral. Ce cathéter permet une diffusion continue et ciblée dans le ventricule. En plus, le flux de dopamine peut s’adapter au besoin de chaque personne.

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5/ Dopamine intraventriculaire ou DIVE-I : une percée scientifique et des résultats prometteurs

Entre 2020 et 2023, l’étude DIVE- I a inclus 12 personnes atteintes de maladie de Parkinson. Les personnes étaient à un stade avancé, où le traitement oral ne permettaient plus d’améliorer les symptômes moteurs de façon satisfaisante. Le tout en présentant des fluctuations et dyskinésies importantes.

L’étude s’est déroulée en deux étapes consécutives :

  • Phase 1 : La faisabilité et la sécurité de l’implantation ont été validées. Aucun effet secondaire grave n’a été signalé. A part quelques effets transitoires comme des nausées ou de la somnolence.
  • Phase 2 : Pendant un mois, 9 patients ont alterné entre un traitement oral optimisé et l’injection de dopamine intraventriculaire.

Les premiers résultats de l’étude clinique DIVE-I, publiés dans la revue Nature Medicine[1], sont encourageants. On observe :

  • Une réduction des fluctuations et complications liées aux traitements oraux (Lévodopa). Les patients ont gagné environ 3 heures par jour de temps « on » (période de bonne mobilité sans dyskinésie*) et jusqu’à 6 heures*.
  • Une amélioration significative de la motricité et de la qualité de vie globale.
  • Une diminution des prises orales de médicaments. La dose de lévodopa quotidienne a été diminuée considérablement, ce qui a réduit les effets secondaires à long terme.
  • Une sécurité et une tolérance du traitement qui se valide sur le long terme.
  • Les personnes ayant participé à l’essai ont toutes choisi de poursuivre la thérapie dans une phase de suivi à long terme. Après plus de trois ans de suivi pour certains patients, aucun effet indésirable grave lié à cette méthode n’a été observé.

    6/ Préparation d’une phase III

    France Parkinson s’engage aux côtés d’InBrain Pharma !

    Les chercheurs ont fondé en 2018, InBrain Pharma, une société dédiée au développement de ce traitement innovateur. En juillet 2025, France Parkinson est entré au capital de l’entreprise, afin de soutenir la préparation d’un essai clinique de phase III. Cette étape est cruciale avant une éventuelle mise à disposition du traitement pour l’ensemble des personnes atteintes de la maladie de Parkinson.

    Pour notre association, ce soutien est bien plus qu’un investissement financier :

    • Il marque une volonté d’accompagner des projets capables de changer concrètement la vie des malades.
    • Il garantit que la voix et l’expérience des malades seront intégrées au suivi du futur essai. Puis après dans son application en vie réelle.
    • Il illustre notre engagement pour que l’innovation scientifique se traduise en bénéfices tangibles pour les personnes touchées par la maladie.

    Comme le souligne Marie Fuzzati, directrice scientifique de France Parkinson :

    « Nous soutenons des projets qui allient excellence scientifique, innovation technologique et volonté d’améliorer concrètement la qualité de vie. L’approche d’InBrain Pharma illustre parfaitement cette ambition. »

    Une perspective d’espoir

    Si les résultats de phase III confirment ceux déjà obtenus, cette thérapie pourrait révolutionner la prise en charge des formes avancées de Parkinson.

    Pour les personnes malades et leurs proches, cette avancée nourrit un espoir réel : celui de voir émerger dans les prochaines années un traitement capable d’apporter une meilleure autonomie, moins de complications et une qualité de vie améliorée, surtout dans les stades avancés de la maladie.

    Notes de bas de page

    [1] Moreau, C., Odou, P., Labreuche, J. et al. Intracerebroventricular anaerobic dopamine in Parkinson’s disease with l-dopa-related complications: a phase 1/2 randomized-controlled trial. Nat Med 31, 819–828 (2025) : https://www.nature.com/articles/s41591-024-03428-2

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