Délégation à la Sécurité Routière : interview
Conseillère technique interministérielle Santé auprès de la déléguée interministérielle à la Sécurité routière, la docteure Anne-Marie Gallot a accepté de répondre à nos questions afin de préciser certains aspects de l’arrêté du 28 mars 2022. Cette rencontre illustre la volonté partagée par les autorités de tutelle et France Parkinson d’entretenir une dynamique d’échanges, y compris sur les thèmes qui font débat. Ces propos ont été recueillis le 3 mars 2025.
Conseillère technique interministérielle Santé auprès de la déléguée interministérielle à la Sécurité routière, la docteure Anne-Marie Gallot a accepté de répondre à nos questions afin de préciser certains aspects de l’arrêté du 28 mars 2022. Cette rencontre illustre la volonté partagée par les autorités de tutelle et France Parkinson d’entretenir une dynamique d’échanges, y compris sur les thèmes qui font débat. Ces propos ont été recueillis le 3 mars 2025.
France Parkinson : Qu’a changé cet arrêté pour les personnes atteintes de certaines pathologies et, en particulier, de Parkinson ?
Dr. Anne-Marie Gallot : Cet arrêté est une refonte complète de l’arrêté du 21 novembre 2005 qu’il a d’ailleurs abrogé. Il est important de ne jamais oublier que la conduite d’un véhicule à moteur est une activité complexe qui nécessite de bonnes capacités perceptives, cognitives et motrices. Le principe essentiel de cet arrêté est qu’une affection médicale qui génère un surrisque autre que négligeable pour les autres usagers de la voie publique ou qui ne peut être compensée par un aménagement, est incompatible avec la conduite. Ce principe de primauté de l’intérêt général a été rappelé par la décision du Conseil d’État du 29 septembre 2023, rendue à la suite du recours pour excès de pouvoir contre cet arrêté engagé par plusieurs associations. L’arrêté ouvre la possibilité de conduire, y compris des véhicules du groupe lourd, à des personnes qui ne le pouvaient pas auparavant, sous réserve d’un aménagement adapté du véhicule. Ainsi, une personne, sourde ou avec un handicap moteur important, peut désormais conduire un poids lourd ou un transport en commun, avec les aménagements adéquats. Certaines personnes qui devaient avoir un contrôle médical régulier n’ont plus cette obligation. En revanche, les troubles neuromoteurs, ainsi que les troubles cognitifs avec une atteinte des fonctions attentionnelles ou exécutives, sont une contre-indication à la conduite à présent clairement exprimée. Mais un arrêté n’est pas un précis de médecine. Toutes les pathologies ne sont pas citées telles quelles. Ce sont les symptômes, ou troubles, qui sont le point focal pour la décision d’aptitude ou d’inaptitude. Le nom des pathologies aide le médecin agréé dans sa démarche. Ainsi, dans le cadre des « troubles neurologiques liés à une atteinte du système nerveux central ou périphérique », la maladie de Parkinson est citée parmi d’autres maladies dont la liste n’est pas exhaustive. La maladie de Parkinson présente la particularité de pouvoir bénéficier pendant un temps certain de traitements efficaces sur les symptômes. Dans ce cas, les troubles cités dans l’arrêté ne sont pas présents, et la conduite est possible, sous réserve de l’absence d’incompatibilité à la conduite liée au traitement lui-même.
FP : Les associations de patients, de même que les sociétés savantes, ont pointé le manque de clarté de cet arrêté : les patients sont-ils dans l’obligation de consulter un médecin agréé par la préfecture lorsqu’un diagnostic est posé ?
AMG : Je vous laisse la responsabilité de vos affirmations sur les (des) sociétés savantes et les (des) associations de patients. Le premier article de l’arrêté est clair : « le conducteur apprécie sa capacité à conduire au regard de ses affections médicales ». Le conducteur ne peut donc pas se dégager de sa responsabilité dès lors qu’il est informé de son « affection médicale » ou qu’il a lui-même un doute. Dès lors que le conducteur a un doute sur son aptitude à conduire que lui confirme son médecin traitant, ou dès lors que le médecin traitant informe son patient que son état est incompatible avec la conduite, le patient-conducteur doit arrêter la conduite et prendre rendez-vous auprès d’un médecin agréé par la préfecture. Si le médecin agréé rend un avis « apte à la conduite », le patient peut reprendre la conduite car le sur-risque aura été considéré comme négligeable, au sens premier du mot, en prenant en compte, le cas échéant, les effets indésirables éventuels du traitement. L’aptitude peut être temporaire, pour une durée d’au moins six mois, en fonction de l’appréciation de l’évolution prévisible. Si l’avis est « inapte à la conduite », celle-ci ne peut pas être reprise. Il arrive que le médecin traitant soit par ailleurs médecin agréé mais il ne pourra alors pas exercer sa fonction de médecin agréé pour son patient. En effet, afin de préserver le secret médical que le médecin traitant doit à son patient, le médecin agréé qui rend l’avis au préfet pour un conducteur ne peut pas être ou avoir été son médecin traitant. Le médecin agréé ne peut pas donner un avis au conducteur sans rendre un avis d’aptitude ou d’inaptitude au préfet. La Délégation à la sécurité routière (DSR) publiera prochainement sur son site des informations pour apporter certaines précisions en fonction des questions qui lui reviennent.
FP : À quel moment l’évolution des symptômes ou la baisse d’efficacité des traitements justifient-elles le recours au médecin agréé de la préfecture ?
AMG : Comme évoqué dans la réponse précédente, le patient-conducteur doit demander un contrôle dès que son médecin traitant l’informe que son état de santé ne lui semble plus compatible avec la conduite et que l’avis d’un médecin agréé est indispensable s’il souhaite continuer à conduire.
FP : Qui doit en faire la demande ? Quelle est la procédure à suivre ?
AMG : Le patient-conducteur prend rendez-vous avec le médecin agréé de son choix, idéalement en lui présentant son dossier médical afin de permettre au médecin agréé de donner un avis d’aptitude ou d’inaptitude le plus éclairé possible.
FP : Comment le médecin agréé apprécie-t-il l’aptitude de la personne à poursuivre ou non la conduite ? Sur quels critères fixe-t-il la durée du maintien du permis de conduire le cas échéant ?
AMG : Le médecin agréé, comme tout médecin, apprécie les troubles neurologiques en fonction de l’examen clinique (interrogatoire et examen physique). Le patient-conducteur peut aussi venir avec son dossier médical, ce qui est toujours mieux. Si les symptômes sont évidents (ou l’absence de symptômes), l’avis peut être rendu en fin du contrôle médical. Le médecin agréé peut aussi avoir recours, comme le précise l’arrêté, pour ce type de trouble à une « équipe pluri-professionnelle comprenant au moins un médecin spécialisé [neurologue, gériatre ou médecin de médecine physique et de réadaptation] et un ergothérapeute ». Cette équipe peut rendre directement au patient et au médecin agréé son appréciation sur l’aptitude à la conduite, en s’appuyant notamment sur des tests de conduite réelle sur route et/ou sur simulateur de conduite. Mais, au final, c’est le seul médecin agréé qui rend l’avis d’aptitude au préfet.
FP : Quels conseils donneriez-vous aux conducteurs atteints de la maladie de Parkinson ?
AMG : Si le conducteur a un doute sur sa conduite (après, par exemple, une autoévaluation), le premier conseil est d’en parler avec son médecin traitant.
FP : Pour les personnes n’étant plus aptes à conduire, la DSR propose-t-elle des ressources pour les orienter dans la recherche d’alternatives au véhicule personnel ?
AMG : La recherche de solutions alternatives n’est pas de la compétence de la DSR. En premier lieu, il est possible de mobiliser l’entourage proche ou les amis afin d’organiser au mieux la mobilité des personnes qui ne peuvent plus conduire. De très nombreuses collectivités territoriales adaptent leur offre de mobilité en intégrant des mobilités à la demande ou en covoiturage. Les transports en commun sont également une solution selon le contexte local, mais qui peut également atteindre ses limites lorsque la maladie évolue.