Les enquêtes
Tables des matières
- 1 Enquête sur les ruptures de soins – CAP PARK Comprendre, Agir, Prévenir, 2015
- 2 Enquête sur les souffrances de vie, 2014
- 2.1 Le ressenti des personnes atteintes par la maladie de Parkinson face aux symptômes
- 2.2 Le diagnostic : faire face à l’angoisse de l’avenir
- 2.3 Le traitement médical : la prégnance des médicaments et la coordination entre intervenants
- 2.4 L’impact de la maladie sur la vie sociale et professionnelle, le risque de dépendance
Parce que la voix des malades et de leurs proches est précieuse, France Parkinson lance des enquêtes pour recueillir des informations sur la prise en charge et les conséquences de la maladie.
À partir des résultats, France Parkinson émet des propositions pour alerter les pouvoirs publics et améliorer la qualité de vie des malades. L’analyse et la présentation des informations recueillies permettent de réaliser des supports exprimant le ressenti des malades.
Enquête sur les ruptures de soins – CAP PARK Comprendre, Agir, Prévenir, 2015
Pour faire l’écho du ressenti des malades, de ce qu’ils vivent et des changements nécessaires, l’association France Parkinson et le Collectif Parkinson ont lancé, en Janvier 2015, une étude sur les ruptures de soins.
Qu’est-ce qu’une rupture de soins ? Une rupture de soins survient lors de l’interruption, volontaire ou non, du traitement (médical ou rééducation) d’un malade. Elle se traduit par une modification du traitement, un arrêt des médicaments dédiés à la maladie de Parkinson ou des soins associés, ou le suivi irrégulier d’un ou plusieurs traitements.
Des ruptures de soins fréquentes : 1 personne sur 3 ! Les résultats sont significatifs : sur les 1119 répondants, (malades (74%), aidants (18%) ou autres (8% enfant, voisin, professionnel…) ont répondu à l’enquête. Âgés de 67 ans et malades depuis huit ans en moyenne, les répondants sont plus fréquemment des hommes (55%), 400 ont eu une rupture de soins au cours des six derniers mois ! Des ruptures de soins aux causes variées :
- À 45%, les ruptures sont liées aux effets secondaires importants des médicaments antiparkinsoniens. Des malades arrêtent donc les traitements compte tenu de leurs effets. Il est important de rester attentif aux possibles effets secondaires, s’interroger sur des comportements, ou des réactions inhabituelles, accepter de les reconnaître et en faire part dès que possible à son médecin ou à son neurologue. Les médicaments sont nécessaires et le spécialiste les a prescrits. L’arrêt brutal n’est pas une solution adaptée. Les malades doivent être informés des possibles effets et, en retour, ils doivent pouvoir consulter le spécialiste qui ajustera le traitement.
- À 20%, les ruptures de soins sont liées à une rupture de stock de médicaments ou d’une défaillance de la stimulation cérébrale profonde. Cela a entraîné une dégradation de leurs symptômes pour 34% d’entre eux. De telles ruptures sont inacceptables !
- À 20 %, les ruptures de soins sont liées à un choc psychologique majeur… Pourtant, le recours aux psychologues reste faible (11%). Les malades doivent s’appuyer sur des soutiens psychologiques lorsque cela est nécessaire.
- À 15%, les ruptures de soins résultent d’hospitalisations non liées à la maladie de Parkinson. Il y a alors eu modification du traitement pour 21% des patients et l’arrêt d’un médicament pour 35% des patients sur plus d’une semaine.
En cas d’hospitalisation, y compris aux urgences, avoir son ordonnance sur soi avec ses médicaments est indispensable, il ne faut pas hésiter à insister et à exiger le respect de cette prise !
Présentation Enquête Ruptures de soins – CAP PARK Comprendre, Agir, Prévenir
Enquête sur les souffrances de vie, 2014
L’association France Parkinson a mené une enquête auprès de plus de 700 malades dans le but d’explorer les conséquences physiques et psychologiques de la maladie, sa prise en charge et ses répercussions sociales. Elle a aussi l’ambition de préciser ses différents impacts sur la vie. L’étude Parkinson et souffrances de vie a été réalisée en ligne par le cabinet A+A pour l’association France Parkinson, entre le 11 janvier et le 22 février 2013, auprès d’un échantillon de 727 personnes touchées par la maladie de Parkinson.
Le profil des répondants est en adéquation avec les données des neurologues : la maladie de Parkinson est un peu plus fréquente chez les hommes (55 %) que chez les femmes (45 %) avec un diagnostic moyen à 58 ans. moyenne d’âge du répondant est de 65 ans avec 7 ans de maladie. La proportion de personnes en activité est de 28%, sont à la retraite 72%. La méthode utilisée – la réponse par internet et par le malade – a favorisé les réponses de personnes plus jeune que la population moyenne et plus aisée.
Le ressenti des personnes atteintes par la maladie de Parkinson face aux symptômes
Affection du mouvement volontaire, la maladie de Parkinson est connue des chercheurs et soignants pour le nombre et la complexité de ses symptômes qu’ils différencient en deux catégories : les troubles moteurs, bien connus, et les troubles non moteurs (physiques mais aussi psychologiques et cognitifs), moins connus. Il ne s’agissait pas d’en faire une liste et une analyse exhaustives car ils ont déjà été décrits par les chercheurs et les soignants. L’originalité de l’étude est d’appréhender la gêne que ressentent les personnes tant en termes de fréquence que d’intensité par l’analyse d’une sélection de 31 symptômes, des troubles moteurs, dopa sensibles, aux troubles non moteurs physiques et psychologiques et cognitifs.
Les malades subissent très rapidement des souffrances de nature diverse, et croissantes avec le temps. L’étude révèle leur progression inéluctable et importante malgré les traitements. Une personne déclare en moyenne 14,5 symptômes très présents dès le début, 18,5 après 6 ans de maladie, pour dépasser les 20 symptômes après 10 ans. Ces troubles cumulés touchent le corps et l’esprit jusqu’à l’épuisement.

Le malade est touché dans l’ensemble de son corps par des symptômes d’autant plus sous-évalués qu’ils sont souvent invisibles et très fluctuants. Parmi les symptômes qui affectent le mouvement volontaire, la lenteur (88%), la sensation de raideur (85%), les crampes (69%) sont très présentes, qualifiées comme très gênantes pour environ 20% des répondants. Les problèmes de la marche sont un peu moins fréquents mais s’avèrent plus handicapants : les pertes d’équilibre et/ou les chutes touchent 56 % des personnes mais sont très gênantes pour 23 % d’entre elles, les blocages et le freezing affectent 44 % des répondants et sont très gênants pour un tiers de ceux-ci (31 %). Si le tremblement reste le plus connu et identifiable des symptômes moteurs, il n’est pourtant présent que chez 64 % des répondants, et n’est très gênant que chez 18 % d’entre eux.
Parmi les autres symptômes physiques dit non moteurs, les plus fréquents sont la fatigue (83 %), une altération du sommeil (74 %) avec des nuits hachées par la raideur, mais aussi la gesticulation la nuit (38%), les douleurs (73,5 %). À ces symptômes invisibles avec lesquels les personnes doivent composer, car ils sont parties intégrantes du Parkinson, s’ajoutent les troubles cachés (ou secrets) socialement mal vécus : de nombreux troubles végétatifs – problèmes urinaires pressants (69 %), constipation (63 %) et troubles digestifs (49%). Ces troubles que l’on ne dit pas mais qui « pourrissent » la vie sont évalués comme très gênants par 20 % à 30 % des personnes concernées. Encore plus intimes, les troubles sexuels affectent 40 % des personnes mais sont vécus comme très gênants par 43 % d’entre elles.
Parmi les symptômes cognitifs et psychologiques, l’étude montre la grande fréquence de la difficulté de concentration et d’attention pour 66 % des répondants, d’anxiété excessive pour 58 %, de perte de mémoire (50 %) alors que 53 % se plaignent d’apathie et 40 % de dépression. Anxiété et dépression sont signalées très gênantes pour 30 % de ces personnes. Partie intégrante de la maladie de Parkinson, ces symptômes sont sans doute amplifiés par le fait d’être confrontés à la maladie.
Chaque malade est différent ! Heureusement, les personnes ne déclarent pas être touchées par les 31 symptômes, en revanche les combinaisons sont multiples. Certains tremblent, d’autres jamais, certains sont très raides, d’autres moins, etc. Le grand nombre de souffrances par personne et la complexité des cas rendent très difficiles la recherche et les soins.
Le diagnostic : faire face à l’angoisse de l’avenir
Les répondants ont été diagnostiqués en moyenne à l’âge de 58 ans avec un large spectre d’âge et d’extrêmes (moins de 30 ans à plus 75 ans), la part des moins de 50 ans s’élevant à 20 %.
Avant le diagnostic, près de trois années se seront en moyenne écoulées entre l’apparition des premiers troubles et l’établissement d’un diagnostic. L’annonce de la maladie est un véritable choc pour les personnes. Lors de ce moment crucial, trois peurs majeures ont été identifiées par l’étude : 94 % des personnes interrogées ont craint de perdre certaines facultés physiques, 76 % d’entre elles leurs facultés intellectuelles et 79 % redoutaient l’avenir. Pourtant, entre le premier rendez-vous chez le neurologue et le second, il s’écoulera 5 à 6 mois.
Le traitement médical : la prégnance des médicaments et la coordination entre intervenants
Le traitement consiste surtout en la prise de médicaments qui s’alourdit avec le temps : 98 % des personnes interrogées ont des médicaments antiparkinsoniens avec en moyenne 4 prises par jour et, après 10 ans, 5 prises par jour et plus de 9 comprimés. Les stratégies thérapeutiques alternatives ne concernent qu’une minorité, comme l’opération de stimulation cérébrale profonde (SCP), 8 % pour la neurochirurgie, et seulement 1% pour la pose d’une pompe à Apokinon®.
Les traitements antiparkinsoniens font preuve d’efficacité mais l’étude révèle la fréquence des effets secondaires inhérents. Les mouvements incontrôlés ou involontaires pour 50 %, les blocages de fin de dose pour 44 %, les endormissements soudains pour 40 %, avec un très fort niveau de gêne (43 %) tandis que que les hallucinations visuelles (23 %), l’hyperactivité (25 %) et les addictions (17 %) ne sont perçues comme très gênantes que par 19 % des personnes. Le freezing se voit au passage des portes, dans les espaces étroits, au demi-tour : les pieds restent collés au sol, le patient est incapable d’initier le mouvement des membres inférieurs.
L’étude n’a pas exploré le risque iatrogène entre médicaments car sa méthodologie ne s’y prêtait pas.
L’accès aux soins semble acquis – Les patients de l’échantillon bénéficient tous d’un médecin traitant. La place du médecin généraliste se révèle importante : pour 37 %, il a réalisé le diagnostic, il est vu 6 fois par an, et pour 70 %, il est disponible en cas d’urgence.
Le spécialiste, neurologue libéral ou hospitalier, reçoit le malade lors de 2 à 3 consultations par an. Une fréquence qui semble satisfaisante pour l’ajustement des médicaments. En revanche, au regard de la complexité du nombre de symptômes et de leur évolution à laquelle doit faire face le malade, la durée de la consultation, en moyenne 20 minutes, semble insuffisante. Des alternatives telles que l’infirmier Parkinson, développée dans d’autres pays, ou encore l’éducation thérapeutique, méritent d’être considérées.
Des risques de rupture de soins dus à un déficit de communication entre intervenants – La possibilité de joindre les neurologues spécialistes du traitement n’est facile que pour 20 % s’il est hospitalier, 25 % s’il est libéral. Or les contraintes de traitements antiparkinsoniens sont mal connues des autres professionnels (la complexité des molécules et leur dosage, la nécessité de prendre les doses à heure fixe au risque de blocages, de ne pas interrompre le traitement brutalement, sont essentiels). Des cas fréquents d’arrêt de médication aux urgences et dans les services hospitaliers, autres que les services de neurologie, sont souvent signalés.
La sous-évaluation des prises en charge para-médicales – En fonction des symptômes du patient, en plus du suivi médical, une rééducation des facultés motrices et/ou un accompagnement psychologique sont souvent indispensables. L’étude pose aussi la question de l’accès aux autres spécialistes. Si le kinésithérapeute semble faire partie de la stratégie thérapeutique pour 91 %, en revanche 58 % des répondants estiment ne pas avoir besoin d’un orthophoniste. Le fossé se creuse davantage avec le psychologue : 69 % ne voient pas la nécessité d’en consulter. Et parmi ceux qui déclarent en avoir besoin, 28 % ont du mal à obtenir une consultation chez l’orthophoniste, 36 % chez le psychologue. Au regard des troubles évoqués, ceci pose la question de la sous prescription, du coût ou de la disponibilité de personnes formées. De manière sous-jacente, c’est également l’enjeu d’une éducation thérapeutique Parkinson qui se fait jour : comprendre sa maladie c’est savoir se tourner vers les bons professionnels et suivre son traitement (médicaments comme rééducation) de manière adéquate.
Plusieurs indicateurs alertent sur un risque de perte d’autonomie précoce du handicap. Rapidement, on constate une limitation des activités hors domicile. En moyenne, après 7 ans de maladie, 60 % des personnes déclarent limiter leurs activités extérieures au domicile. Cette perte d’autonomie du parkinsonien est plus marquée en cas de faibles revenus du foyer : 73 % pour les revenus inférieurs à 1500 €. Elle est forte dès le début de la maladie, 44 % chez les personnes diagnostiquées depuis 2 ans, et 77 % après 10 ans de maladie.
Autres aspects sociaux qui changent : la limitation des contacts avec les autres (46 %), le regard des autres (40 %), l’impression d’être un fardeau pour l’entourage (37 %), la nécessité d’aménager le logement (18 %). Paradoxe entre ces limitations importantes et le déni des handicaps : 71 % des personnes déclarent cependant vivre comme tout le monde (assez et tout à fait) et 30 % tout à fait.
Parce que la maladie de Parkinson touche aussi les personnes en âge de travailler, elle affecte inévitablement leurs revenus. Pour 73 % des répondants insérés dans le monde du travail, elle a un impact important et, pour 51 % des répondants professionnels, cette pathologie a conduit à une réorganisation de leur poste et à une réduction de leur temps de travail.
Ceux qui ont déjà quitté le monde du travail estiment que la maladie de Parkinson a conduit pour 20 % à une retraite anticipée, pour 19 % à une mise en invalidité et pour 5 % à un licenciement. 39 % déclarent que la maladie de Parkinson a eu un impact financier, en priorité à cause de l’augmentation des dépenses de santé, 40 % des dépenses de la maison, 25 % des dépenses d’aide à la toilette et aux repas.
Mais les personnes utilisent-elles leurs droits ? Ainsi près d’un quart d’entre elles renoncent à faire valoir leur droit à l’Affection Longue Durée (remboursement à 100 % des frais de santé engagés dans les traitements) : seulement 78 % des répondants en bénéficient. Autre cas de figure : peu de répondants ont recours à une auxiliaire de vie alors que la maladie les handicape au quotidien. 78 % d’entre eux estiment ainsi ne pas en avoir besoin et, parmi ceux qui en éprouvent la nécessité, 37 % y accèdent difficilement.
Parfois, la maladie fragilise les liens avec les proches. Il existe un risque de rupture très rapide au début : chez les moins de 61 ans, 8% disent que la maladie a entraîné un divorce. C’est aussi un facteur de dégradation dans les relations avec les enfants (11 %), avec le conjoint (23 %), un phénomène qui s’accentue après 10 ans de maladie (37 %). En revanche, pour d’autres, la solidarité familiale est bien présente et a renforcé les liens avec le conjoint et les enfants (28 %). Une ressource familiale importante à encourager sans l’épuiser.