Une neuroprothèse pour améliorer la marche

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Une neuroprothèse pour améliorer la marche

Une méthode de stimulation des cellules nerveuses de la moelle épinière permet d’améliorer l’équilibre et la marche d’une personne atteinte de la maladie de Parkinson.

Une méthode de stimulation des cellules nerveuses de la moelle épinière permet d’améliorer l’équilibre et la marche d’une personne atteinte de la maladie de Parkinson.

RECHERCHE
– Le 09/11/2023

Des chercheurs suisses ont mis au point un implant qui permet de stimuler directement les cellules nerveuses de la moelle épinière impliquées dans le contrôle des mouvements des jambes. Cette technique d’abord mise au point et testée sur des modèles expérimentaux, en collaboration avec l’Inserm et l’Université de Bordeaux, a ensuite été réalisée avec succès sur une personne atteinte de la maladie de Parkinson1.

La maladie de Parkinson est provoquée par la perte progressive de neurones qui produisent la dopamine. Pour environ 90 % des patients atteints de la maladie avancée, cette perte de dopamine entraîne des difficultés à marcher. Notamment des troubles de l’équilibre et des épisodes de Freezing. Les traitements conventionnels, tels que les médicaments à base de Lévodopa, peuvent améliorer les symptômes mais ne peuvent pas complètement rétablir le mouvement normal.

La stimulation électrique de la moelle épinière

 

Pour Marc Gauthier, 62 ans, bordelais, diagnostiqué de Parkinson il y a plus de 20 ans, les médicaments et la stimulation cérébrale profonde ne parvenaient plus à contrôler efficacement les symptômes moteurs. En plus, il faisait de nombreux épisodes de freezing et des chutes fréquentes. La mise en place de l’implant visait à remédier à cela en ciblant directement la zone de la moelle épinière responsable de l’activation des muscles des jambes lors de la marche.

Une imagerie minutieuse de la colonne vertébrale a fourni une carte anatomique personnalisée de la moelle épinière de Marc. Ce qui a identifié le site optimal pour implanter les électrodes. Une fois en place, celles-ci, connectées à un stimulateur, peuvent délivrer des impulsions électriques directement dans la moelle épinière. Des capteurs de mouvement placés sur chaque jambe sont capables de détecter l’intention du corps de bouger, déclencher l’implant et l’envoi de l’impulsion électrique à la moelle épinière, et fournir un retour d’information pour contrôler le mouvement. L’objectif de cette stimulation est de corriger en temps réel les signaux anormaux envoyés par le cerveau. Ensuite vers le long de la moelle épinière, et vers les jambes afin de rétablir un mouvement normal.

L’intervention chirurgicale, associée à une rééducation extensive, a permis à Marc de marcher à nouveau sur de longues distances. Le tout en améliorant l’action de la marche, en réduisant les chutes ainsi que les épisodes de freezing. Au-delà de ces améliorations motrices, Marc énonce aussi une importante amélioration de sa qualité de vie :

« Je ne pouvais pratiquement plus marcher sans tomber, plusieurs fois par jour. Dans certaines situations, comme pour prendre l’ascenseur, je restais immobile, comme figé sur place. En ce moment, je n’ai même plus peur des escaliers. Chaque dimanche, je vais au lac et je marche environ 6 kilomètres. C’est incroyable. »2

 

Que signifient ces résultats ?

 

La stimulation électrique continue de la moelle épinière a initialement été développée pour le traitement des douleurs chroniques réfractaires. Cela visait à stimuler des fibres nichées dans la colonne vertébrale pour moduler l’activité du cerveau. Des preuves issues de cas cliniques et de petites études descriptives ont suggéré une efficacité variable. En effet, ce type de stimulation n’est pas toujours satisfaisant pour le traitement des troubles de l’équilibre, de la posture et du freezing chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson3.

Les résultats de la collaboration franco-suisse publiés aujourd’hui s’appuient sur les succès antérieurs de la stimulation de la moelle épinière dans la restauration de la fonction des jambes chez certaines personnes souffrant de lésions de la moelle épinière. La nouveauté réside dans le fait que cette stimulation cible directement les régions de la moelle épinière qui sont impliquées dans la marche ; et qui ne sont pas affectées dans la maladie de Parkinson. Une cartographie individuelle précise de la moelle épinière pour chaque personne est donc un prérequis indispensable pour cibler les bonnes zones. L’équipe suisse, espère que leur technologie pourra offrir une approche entièrement nouvelle pour traiter les troubles du mouvement chez les personnes malades de Parkinson.

« Il est impressionnant de voir comment en stimulant électriquement la moelle épinière de manière ciblée, de la même manière que nous l’avons fait avec les patients paraplégiques, nous pouvons corriger les troubles de la marche provoqués par la maladie de Parkinson », a déclaré Jocelyne Bloch, neurochirurgienne et professeure à l’hôpital universitaire CHUV de Lausanne, qui a co-dirigé le travail.

 

Il s’agit d’une procédure assez invasive, mais qui pourrait changer la donne et aider à restaurer le mouvement de la marche chez certaines personnes atteintes de la maladie de Parkinson à un stade avancé, lorsque les médicaments n’agissent plus de manière satisfaisante.

Il est important de souligner que les résultats de la publication dans Nature Médecine ne portent que sur une seule personne implantée avec ce nouveau système et il convient à présent de poursuivre les recherches sur un plus grand nombre de personnes afin de vérifier si ces résultats positifs se répètent et si l’intervention chirurgicale est sûre.

La recherche est encore à un stade précoce. Elle nécessite donc plus de développement et de tests avant de pouvoir être mise à la disposition des personnes atteintes de la maladie de Parkinson. Les auteurs ont déclaré qu’un essai clinique complet était nécessaire pour démontrer l’efficacité clinique. Et ils vont, grâce à un financement de la Fondation Michael J Fox, recruter six autres patients pour évaluer si les avantages apparents sont reproduits.

« À ce stade, il s’agit d’une preuve de concept », a déclaré le Professeur Grégoire Courtine, un neuroscientifique de l’EPFL, qui a co-dirigé le travail. « Bien sûr, ce n’est pas pour demain, il faudra au moins cinq ans de développement et de tests. »2

Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une avancée significative et France Parkinson suivra avec attention la progression cette recherche.

  1. Milekovic, T., Moraud, E.M., Macellari, N. et al. A spinal cord neuroprosthesis for locomotor deficits due to Parkinson’s disease. Nat Med (2023). https://doi.org/10.1038/s41591-023-02584-1
  2. https://presse.inserm.fr/percee-majeure-dans-le-traitement-de-la-maladie-de-parkinson-une-neuroprothese-permet-de-restaurer-une-marche-fluide/67716/ le 8/11/2023
  3. Opava, K. Limousin P., and Akram, H. Spinal cord stimulation for gait disorders in Parkinson’s diseases. JPD (2023) 13:57-70.