Glyphosate : nous plaidons pour le principe de précaution

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Glyphosate : nous plaidons pour le principe de précaution

INFORMATION, PLAIDOYER
– Le 08/11/2023

À l’approche du vote de la France concernant la prolongation d’autorisation
du glyphosate pour 10 ans proposée par la Commission européenne,
l’association France Parkinson plaide pour le principe de précaution !

À l’instar de ses homologues membres de Parkinson’s Europe, elle appelle
l’Etat français à voter contre cette prolongation

La France a, en 2012, été le premier pays à reconnaître la maladie de Parkinson comme maladie professionnelle pour les agriculteurs et viticulteurs exposés aux pesticides.

Alors que l’Etat français doit se prononcer le 16 novembre prochain sur la prolongation d’autorisation du glyphosate proposée par la commission européenne, et ce pour une durée de 10 ans, l’association France Parkinson alerte sur les présomptions qui pèsent sur cet herbicide et sa responsabilité supposée dans la maladie de Parkinson. Comme le réaffirment Bas Bloem et Tjitske Boonstra, respectivement professeur de neurologie et chercheuse en neurologie aux Pays-Bas, dans une tribune parue dans lemonde.fr du 12 octobre dernier : « Il existe aujourd’hui un faisceau de preuves scientifiques indiquant que le glyphosate est une cause possible de Parkinson… Une étude récente a montré que l’exposition au glyphosate était associée à des signes de lésions cérébrales, mesurées par un marqueur sanguin (« neurofilament à chaîne légère ») des maladies de Parkinson et d’Alzheimer, entre autres. »

Si des études plus poussées demeurent nécessaires pour ajouter la molécule à la liste déjà longue des pesticides incriminés dans la maladie de Parkinson, le simple fait que cette corrélation apparaisse comme « biologiquement plausible » doit inciter notre gouvernement à appliquer le principe de précaution et à faire la lumière sur l’existence de ce lien.

Bas Bloem s’inquiète en effet du « manque de données » en la matière qui n’est, à tort, pas du tout abordé dans le dossier utilisé pour évaluer le glyphosate. De son côté, l’épidémiologiste Alexis Elbaz, directeur de recherche à l’Inserm, à l’origine des études ayant démontré une plus forte prévalence de la maladie dans les zones agricoles et viticoles (risque multiplié par plus de 2,5 chez les viticulteurs exposés aux pesticides), rejoint le neurologue néerlandais en regrettant que l’évaluation de la neurotoxicité dans les protocoles d’homologations de ces produits soit conduite dans un cadre scientifiquement inadéquat.

France Parkinson attend de la France qu’elle vote contre la prolongation d’autorisation du glyphosate pour 10 ans. Et qu’elle pèse pour en réduire la durée, compte-tenu de la méfiance dont ce pesticide fait l’objet. L’association espère qu’elle saura se doter des moyens nécessaires en vue de démontrer l’innocuité ou la nocivité de cette substance, ou d’autres, comme cela est fait pour les médicaments avant leur mise sur le marché.

Ce principe de précaution constitue un enjeu de santé publique majeur.
Une prolongation d’autorisation d’une année seulement permettrait de mener à bien les études qui s’imposent avant de se réengager « à l’aveugle » pour une décennie ! Cette année de reconduction permettrait en outre de travailler au développement d’alternatives au glyphosate pour nos agricultures.

FAQ sur le glyphosate et la maladie de Parkinson – Novembre 2023

1. Qu’est-ce que la maladie de Parkinson ? picto fleche

La maladie de Parkinson est la pathologie neurologique qui connaît la croissance la plus rapide à l’échelle mondiale1.  En effet, c’est plus de 10 millions de personnes atteintes – un chiffre qui devrait doubler au cours des 25 prochaines années. Aujourd’hui encore on ne guérit pas de la maladie de Parkinson. Les causes de la maladie sont inconnues, mais les personnes ayant des antécédents familiaux de la maladie présentent un risque accru. L’exposition à la pollution de l’air, aux pesticides et aux solvants accroît également le risque.

Comment la maladie se déclenche-t-elle ?

La maladie de Parkinson se caractérise par la perte progressive des cellules du cerveau qui produit la dopamine. Cette molécule régule le contrôle des mouvements. Il s’agit d’une pathologie progressive. Les trois principaux symptômes moteurs sont la lenteur des mouvements, la raideur musculaire et le tremblement. Cependant, la maladie peut induire un large éventail d’autres symptômes. Notamment l’anxiété, la douleur, les troubles du sommeil, des troubles de l’humeur et de la cognition, ainsi qu’une diminution de la qualité de vie. Vous pouvez trouver de plus amples informations sur la maladie de Parkinson ici.

2. Quelle est la relation entre les pesticides et les problèmes de santé ? picto fleche

De plus en plus d’études indiquent l’existence d’une corrélation entre l’exposition aux pesticides et la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer, divers types de cancer, des troubles pulmonaires, des problèmes de reproduction et des problèmes immunitaires.

Comment sont utilisés les pesticides ?

Ils sont souvent utilisés en combinaison, cocktails qui nuisent probablement plus encore à la biodiversité et à la santé qu’une utilisation non combinée. Peu de recherches ont été menées, et ces mélanges ne sont pas pris en compte lors de l’autorisation des pesticides. En l’état, les règles d’autorisation des pesticides ne permettent pas d’estimer correctement le risque de maladies neurologiques telles que la maladie de Parkinson.

3. Qu’est-ce que le glyphosate ? picto fleche

Le glyphosate est le pesticide le plus utilisé en Europe et représente un tiers de tous les herbicides utilisés2. En 2014, 746 580 tonnes de glyphosate, ce qui représente respectivement 18 % et 92 % de l’ensemble des pesticides et herbicides, qui ont été utilisés dans le monde.

Le glyphosate est employé pour une large gamme d’applications telles que le contrôle des mauvaises herbes, la suppression des cultures de couverture, la suppression des prairies temporaires, la dessiccation des cultures ainsi que l’aide à la récolte.

Vous pouvez être exposé au glyphosate si vous en avez sur la peau, dans les yeux ou si vous le respirez lorsque vous l’utilisez. Le glyphosate persiste dans l’environnement pendant des jours ou des mois, et bon nombre d’entre nous y sont exposés quotidiennement. Il est associé à la perte de biodiversité et à la mortalité des abeilles. De plus, il y a de plus en plus de preuves que l’utilisation du glyphosate comporte des risques pour la santé publique.

4. Que savons-nous du lien entre le glyphosate et la maladie de Parkinson ? picto fleche

De plus en plus d’éléments indiquent que le glyphosate est une cause possible de la maladie de Parkinson3,4,5,6,7,8. Bien que ces preuves ne soient pas formelles, elles sont suffisamment inquiétantes pour que l’on puisse parler d’un lien biologiquement plausible entre l’exposition au glyphosate et des altérations de la région cérébrale impliquée dans la maladie de Parkinson. De nombreuses études ont montré que les agriculteurs présentent un risque nettement accru de développer la maladie de Parkinson, et il en va de même pour les résidents vivant à proximité de parcelles agricoles. La maladie de Parkinson est reconnue comme maladie professionnelle pour les agriculteurs en France.

5. Quel est l’enjeu du vote européen ? picto fleche

L’interdiction du glyphosate en Europe est au centre des discussions depuis 2015. En effet, c’est l’Agence internationale de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé, dans son évaluation du glyphosate, qui a conclu que le composé était probablement cancérogène pour l’Homme9. Des évaluations ultérieures, menées par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l’Agence européenne des produits chimiques, ont conclu que le glyphosate ne pouvait pas être classé comme un cancérogène. En 2017, sur la base des débats en cours, la Commission européenne a renouvelé l’approbation du glyphosate pour une durée supplémentaire de 5 ans. Maintenant prolongée d’une année supplémentaire en 2022.

Vendredi 13 octobre 2023, s’est tenu un vote européen pour renouveler l’approbation de la licence du glyphosate pour une durée de 10 ans. Les représentants des pays membres de l’UE pouvait approuver ou bloquer le projet de renouvellement lors d’un vote à huis clos au sein du Comité permanent sur les végétaux, les animaux, les denrées alimentaires et les aliments pour animaux (CVAA). Une majorité suffisante – nécessitant 15 des 27 États membres et représentant au moins 65 % de la population totale de l’UE – en faveur ou contre la proposition n’a pas été atteinte. La Commission européenne a donc soumis la proposition au comité de recours, avec un prochain vote crucial prévu le 16 novembre 2023.

Il s’agit d’une véritable opportunité pour les États membres de s’opposer au renouvellement sans conditions pour une durée de 10 ans de la licence du glyphosate comme le prévoit la Commission européenne.

6. Quelles sont les lacunes de la procédure d’autorisation actuelle ? picto fleche

Il existe un large consensus entre l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments); et les experts nationaux et internationaux de la maladie de Parkinson. selon lequel la politique d’autorisation actuelle ne permet pas de comprendre de manière adéquate le risque de troubles neurodégénératifs tels que la maladie de Parkinson10,11,12,13,14,15.

Différentes lacunes sont ainsi mises en avant :

  • L’évaluation actuelle n’aborde pas spécifiquement les maladies neurodégénératives. En particulier, l’évaluation en matière de neurotoxicité potentielle. C’est-à-dire les lésions du cerveau, de la moelle épinière ou des nerfs, qui est beaucoup trop simpliste. Et cela ne permet pas d’estimer le risque de provoquer des maladies neurodégénératives.
  • Les expériences menées jusqu’à présent ne tiennent pas compte des facteurs héréditaires prédisposant à une susceptibilité plus importante après une exposition au glyphosate.
  • Le dosage du glyphosate utilisé jusqu’à présent dans l’expérimentation animale est trop faible. En effet, celui ci ne représente pas la réalité de la vie quotidienne.
  • La politique d’approbation ne concerne que l’usage unique des pesticides et non les cocktails (mélanges/combinaisons). Or dans la réalité quotidienne, les agriculteurs, les jardiniers et les résidents en zones rurales sont exposés à ces fameux cocktails16. Cocktails qui contiennent plusieurs pesticides. Les recherches scientifiques récentes confirment que l’exposition à des cocktails de pesticides augmente encore plus le risque de maladie de Parkinson17.
  • Les expériences prises en compte pour l’approbation du glyphosate ont été menées par l’industrie elle-même. Les journalistes scientifiques ont découvert que l’industrie omet de communiquer des résultats pertinents du dossier d’évaluation.

7. Qu’est-ce que le principe de précaution et pourquoi est-il important ? picto fleche

Selon la Commission européenne, le principe de précaution garantit un niveau élevé de protection de l’environnement. Ainsi qu’à la santé grâce à des prises de décision préventives en cas de risque. Il peut être invoqué lorsqu’un phénomène, un produit ou un procédé peut avoir des effets potentiellement dangereux, identifiés par une évaluation scientifique et objective, si cette évaluation ne permet pas de déterminer le risque avec suffisamment de certitude.

Ces dernières décennies, il est devenu évident que des effets négatifs inattendus surviennent suite à l’utilisation de pesticides chimiques. Comme par exemple la mort des insectes et un risque accru de maladie de Parkinson. C’est pourquoi, en cas de doute ou d’incertitude quant aux éventuels effets nocifs des pesticides sur la santé et/ou l’écosystème, nous demandons aux États membres d’appliquer le principe de précaution et de ne pas approuver la prolongation d’autorisation du glyphosate pour 10 ans.

8. Quelles sont nos recommandations ? picto fleche

  • Nous demandons que la licence du glyphosate de l’UE ne soit PAS renouvelée pour une durée de 10 ans. Et que les États membres votent donc NON lors du suffrage du 16 novembre 2023.
  • Nous demandons que l’UE soutienne la recherche indépendante sur le glyphosate et les pesticides de type similaire.
  • Nous demandons que l’on envisage des alternatives au glyphosate.

Références :

1 Dorsey ER, Sherer T, Okun MS, Bloem BR. The Emerging Evidence of the Parkinson Pandemic. J Parkinsons Dis. 2018;8(s1): S3-S8. doi: 10.3233/JPD-181474. PMID: 30584159; PMCID: PMC6311367.

2 Antier, C. et al. Glyphosate use in the European agricultural sector. And a framework for its further monitoring. Sustainability 12,5682 (2020).

3 Barbosa, E.R., et al., Parkinsonism after glycine-derivate exposure. Mov Disord, 2001. 16(3): p. 565-8.

4 Wang, G., et al., Parkinsonism after chronic occupational exposure to glyphosate. Parkinsonism Relat Disord, 2011. 17(6): p. 486-7.

5 Zheng, Q., et al., Reversible Parkinsonism induced by acute exposure glyphosate. Parkinsonism Relat Disord, 2018. 50: p. 121.

6 Eriguchi, M., et al., Parkinsonism Relating to Intoxication with Glyphosate. Intern Med, 2019. 58(13): p. 1935-1938.

7 Caballero, M., et al., Estimated Residential Exposure to Agricultural Chemicals. And Premature Mortality by Parkinson’s Disease in Washington State. Int J Environ Res Public Health, 2018. 15(12).

8 Yang, A.M., et al., Association between urinary glyphosate levels. And serum neurofilament light chain in a representative sample of US adults: NHANES 2013-2014. J Expo Sci Environ Epidemiol, 2023.

9 Kudsk, P. & Mathiassen, S. K. Pesticide regulation in the European Union. And the glyphosate controversy. Weed Sci. 68, 214–222 (2020).

10 EFSA, Workshop on the EFSA NAMs project on environmental neurotoxicants. 2022: Available upon request.

11 Meerman, J., et al., Neurodegeneration in a regulatory context. The need for speed. Curr Opin Toxicol, 2023. 33:100383.

12 van der Gaag, B.L., et al., [Risk factors for Parkinson’s disease: possibilities for prevention and intervention]. Ned Tijdschr Geneeskd, 2023. 167.

13 Bloem, B.R. and J. Hoff, De Parkinson Pandemie – een recept voor actie. 2021: Poiesz.

14 Dorsey, E.R. and B.R. Bloem, The Parkinson Pandemic-A Call to Action. JAMA Neurol, 2018. 75(1): p. 9-10.

15 Heusinkveld, H., et al., Gewasbeschermingsmiddelen en neurodegeneratieve ziekten: mogelijkheden om de toelatingsvereisten te verbeteren, in 2021-0153. 2021, RIVM: website.

16 Bailey, D.C., et al., Chronic exposure to a glyphosate-containing pesticide leads to mitochondrial dysfunction. And increased reactive oxygen species production in Caenorhabditis elegans. Environ Toxicol Pharmacol, 2018. 57: p. 46-52.

17 Yang, A.M., et al., Association between urinary glyphosate levels. And serum neurofilament light chain in a representative sample of US adults. NHANES 2013-2014. J Expo Sci Environ Epidemiol, 2023.